samedi 25 janvier 2014

SYSTEM OF A DOWN - Toxicity

Dès la première note, on sait qu'on aura affaire à un album non conventionnel. Cette première note, unique et isolée des autres, porte déjà en son germe tout le reste de l'album avec sa belle folie, son extravagance, sa volonté de surprendre. Et pour surprendre, Toxicity de System Of A Down surprend. Ce chef-d'oeuvre, influencé notamment par le heavy metal, pose un nouveau jalon dans l'aventure de ce style qui remonte déjà à 1970 avec l'album Black Sabbath. 31 ans plus tard, en 2001, Toxicity est paru, exactement une semaine avant les attentats du World Trade Center, comme pour indiquer que si les attentats allaient changer le monde géopolitique, Toxicity allait changer le monde métallique. Avec sa façon de taquiner le death metal tout en ayant un style un peu tronche, l'incroyable est que Toxicity de System Of A Down a changé la façon de faire du metal au 21e siècle. En 2001, la vague de la musique rap metal déferlait sur les États-Unis avec des groupes comme Linkin Park, P.O.D. et Limp Bizkit. On ne s'attendait pas qu'un groupe comme System Of A Down parvienne à changer la donne sans avoir besoin de chanter du rap. Le son de Toxicity est plus lourd, plus agressif mais pourtant très accessible et c'est ce qui fait de cet album une oeuvre majeure de ce début de millénaire. En réussissant à connaître un immense succès commercial tout en étant parfaitement intègre et original, avec un contenu politique et même des références au death metal plutôt marginal dans l'industrie, System Of A Down aura réussi l'impossible. En effet, Toxicity peut être sérieux et engagé comme dans la chanson Prison Song qui traite du commerce de la drogue ou plus fantaisiste et humoristique comme la pièce Bounce. L'album alterne constamment entre ces deux pôles, le comique et le tragique, et parvient à force d'exubérance à séduire un large public. System Of A Down y va en employant des structures révolutionnaires, notamment sur la chanson Chop Suey! dont le couplet est agressif, frénétique et rythmique tandis que le refrain est plus doux, sensible et mélodique. System Of A Down fait de la musique intelligente, contrairement à bien des groupes metal populaires aux États-Unis comme Godsmack dont j'avais fait une critique plutôt négative de son album Faceless (voir ma critique de Faceless du 4 février 2012). Comparer System Of A Down avec Godsmack revient à comparer une oeuvre d'art à un graffiti. Pourtant, les chansons de l'album Toxicity sont jetées aux oreilles de l'auditeur sans répit pour lui, comme pour lui communiquer l'urgence qui habite l'Arménien Serj Tankian, chanteur de la formation, un morceau après l'autre sans ménagement (pour ceux qui l'ignorent, l'Arménie est un beau pays situé au nord de l'Iran et de la Turquie). Il n'y a pas beaucoup de pause sur cet album échevelé, si ce n'est le couplet de ATWA et encore. Ou bien on se fait assaillir par System Of A Down avec du metal énergique, presque punk, ou bien on est transporté par l'émotion vive de chansons poignantes comme Aerials, la dernière pièce inscrite sur l'album. En tout, il y a quatorze chansons inscrites au dos de l'album mais il faut savoir qu'une piste cachée avec un air arménien à la flûte exotique et un rythme tribal soutenu de percussions, intitulée Arto, termine cet étonnant chef-d'oeuvre, faisant en sorte qu'il y a en fait quinze chansons. Il n'y a aucun lien musical entre Aerials et Arto. Malgré cette générosité de System Of A Down dans le nombre de chansons, Toxicity ne dure même pas trois quarts d'heure, ce qui revient en moyenne à moins de trois minutes par chanson, prouvant que l'album a une facture presque punk par son engagement politique, son énergie, son efficacité mais aussi par la brièveté des chansons. Toxicity est en effet plus proche du punk que du rap metal du début des années 2000, bien qu'il soit metal avant tout. Il faut avouer qu'il est assez difficile de classer le style de cette bande de musiciens originaux et créatifs qui composent le groupe System Of A Down...! Certains ont parlé de prog rock pour décrire le style de System Of A Down mais je ne pense pas que ce soit le cas. Moi j'appelle cela du metal intelligent, tout simplement. Tout comme American Idiot de Green Day était le meilleur album punk des années 2000, Toxicity de System Of A Down est possiblement le meilleur album metal des années 2000. Toxicity est une référence incontournable, un classique du metal que tout mélomane de rock se doit de posséder dans sa discothèque. Génial.

COTE D'APPRÉCIATION PERSONNELLE: 19/20

samedi 18 janvier 2014

THE KILLERS - Day & Age

D'album en album, The Killers finissent toujours par nous étonner. C'est ainsi qu'après un premier album inspiré par la new wave des années '80 qui avait charmé le monde entier, une influence pour bien des musiciens de la génération de Brandon Flowers, leader de la formation The Killers, et suite à un second album intitulé Sam's Town complètement différent qui lorgnait vers le rock de Bruce Springsteen, voici le troisième opus par The Killers qui change encore totalement de direction. En effet, cet album intitulé Day & Age, paru en 2008, explore des avenues radicalement étrangères à ce qu'on pourrait s'attendre de cette formation insaisissable. Tandis que la pièce Human a été un énorme succès de dance music à la fin des années 2000 avec sa mélodie accrocheuse et ses paroles bizarroïdes (je sais que c'est de la poésie mais pourquoi Brandon Flowers se questionne à savoir si on est humain ou... danseur?), le reste de Day & Age emprunte autant de styles différents qu'il y a de chansons: Joy Ride ravive à notre mémoire le style de David Bowie de la fin des années '70, I Can't Stay s'amuse avec un rythme exotique de bossa nova, The World We Live In ressemble à un succès disco de 1981... faisant en sorte qu'on vient tout étourdi à l'écoute de cet album étonnant par The Killers! Dans l'ensemble, Day & Age est beaucoup plus diversifié que les précédents albums de la formation. Comme il y avait surtout des claviers sur Hot Fuss (voir ma critique de Hot Fuss du 16 février 2013) et de la guitare électrique sur Sam's Town (voir ma critique de Sam's Town du 14 juillet 2012), on est surpris par le son du saxophone et la facture plus pop de Day & Age. Le changement est radical et The Killers semblent vouloir nous mystifier avant tout, à tel point qu'on reste perplexe devant ce qui ressemble davantage à des exercices de style qu'à un vrai album qui se tient debout par lui-même. Néanmoins, on ne peut nier que les compositions sont solides et les arrangements subtils et colorés, forçant ainsi l'admiration de l'auditeur. Comment résister au ton badin et amusé du couplet de Spaceman par exemple? Tout l'album est extrêmement accrocheur, sauf peut-être vers le milieu où l'intérêt faiblit un peu, surtout avec la pièce A Dustland Fairytale qui aurait pu aller plus en profondeur et qui laisse un peu sur notre appétit. Heureusement, The Killers se reprendront à la fin de l'album avec Goodnight, Travel Well, un long morceau tragique et intense de sept minutes qui n'a pas peur d'aller au fond des choses et de mettre les émotions sur la table. Toutefois, on se demande ce que fait cette pièce sombre sur un album aussi léger et dansant que Day & Age. Certaines chansons ont des mélodies tortueuses et alambiquées, avec des accords inattendus et complexes, comme par exemple Neon Tiger ou encore le début de The World We Live In. Cela passe pourtant comme une lettre à la poste, attestant l'oreille fine dont fait montre The Killers sur un album aussi éminemment riche en subtilités et évolué en musicalité que Day & Age. Pour toutes ces raisons, je suis donc plutôt tenté de conseiller l'acquisition de cet album, ne serait-ce que pour mesurer l'ampleur de la folie créatrice qui s'est emparée de The Killers avec cet album. Day & Age par The Killers, c'est un album original et imprévisible, voire curieux mais néanmoins fort bien produit et réalisé. Day & Age n'est peut-être qu'une curiosité, mais quelle curiosité! Laissez-vous désemparer par Day & Age, vous ne le regretterez pas!

COTE D'APPRÉCIATION PERSONNELLE: 16/20

samedi 11 janvier 2014

RADIOHEAD - The King Of Limbs


Radiohead a beau être un groupe unanimement respecté par l'intelligentsia musicale, la presse spécialisée et les critiques de rock, il n'empêche que son album The King Of Limbs est généralement considéré comme une oeuvre mineure dans sa production. Tout d'abord, cela s'explique par le fait qu'il n'y a que huit chansons sur cet opus de Radiohead. La durée totale de l'album dépasse néanmoins les 37 minutes, ce qui est raisonnable pour un album de "longue durée". La vraie raison de la piètre considération qu'a reçue cet autre chef-d'oeuvre de Radiohead est peut-être à chercher ailleurs. The King Of Limbs est un album étonnamment accessible, presque commercial en comparaison à des albums antérieurs dans la production de Radiohead. La première moitié de l'album est certes un peu exploratoire mais la musique manifeste une volonté de joliesse très attrayante. Le style adopté est plutôt axé sur les rythmes et se veut bien sûr très branché, comme c'est le cas par exemple de Feral qui sonne comme une séduisante esquisse musicale. Quant à la seconde moitié de The King Of Limbs débutant avec Lotus Flower dont le vidéoclip nous montre Thom Yorke effectuer une mystérieuse chorégraphie contemporaine, on y retrouve des paysages sonores moins éclatés et la chanson Give Up The Ghost emprunte même un habillage organique avec de la guitare acoustique. On a droit à des chansons avec des mélodies accrocheuses, un peu comme un album de musique pop. Les structures des chansons sont faciles à saisir et sont construites de manière à être concises et efficaces. Voilà qui marque une certaine distance avec le style parfois rébarbatif pour le commun des mortels qu'emprunte habituellement la bande à Thom Yorke depuis le début du millénaire. On dirait vraiment que tout l'album manifeste un souci de plaire, ce qui l'éloigne de certains autres albums du passé de la formation. À mon sens, The King Of Limbs a un plus grand potentiel commercial que Amnesiac par exemple (voir ma critique de Amnesiac du 26 janvier 2013). Il est conséquemment injuste de vouloir critiquer Radiohead pour avoir produit un album moins hermétique que par le passé et je ne considère pas qu'il s'agisse d'une raison valable pour déconsidérer l'oeuvre. J'adore The King Of Limbs et dès sa sortie en 2011, j'ai été soufflé comme d'habitude par l'ampleur de l'expression de cet album. Il faut écouter toutes les subtilités dans les arrangements des chansons qui attestent du génie singulier de Radiohead. Avec The King Of LimbsThom Yorke se pose en véritable magicien des sons, en orfèvre de l'orchestration si on peut dire, de sa musique. Pour dresser un parallèle pictural, je dirais que Thom Yorke me fait vraiment penser à un artiste aussi singulier que Vincent Van Gogh (1853-1890). Bien sûr, on connaît déjà le style de Radiohead et The King Of Limbs est peut-être moins déstabilisant que OK Computer ou que Kid A, mais voilà tout de même du travail tellement bien réalisé et bien fait. Même si The King Of Limbs a été malmené par certains esprits obtus, il demeure que c'est un album qui compte parmi mes préférés de l'année 2011 et de toute la production brillantissime de Radiohead.

COTE D'APPRÉCIATION PERSONNELLE: 18/20

samedi 4 janvier 2014

QUEENS OF THE STONE AGE - ...Like Clockwork

En 2013, Josh Homme et ses amis de Queens Of The Stone Age nous ont présenté le sixième album studio de la formation et je dois dire d'emblée que c'est un des meilleurs opus de ce fameux groupe de rock alternatif (c'est comme cela que je décris son style). En fait, l'album ...Like Clockwork est probablement le meilleur album de Queens Of The Stone Age depuis Songs For The Deaf. La réussite est totale et Josh Homme parvient à repousser les limites de son art. Josh Homme nous présente ici son album le plus personnel à ce jour et ...Like Clockwork est un album plus sérieux, plus mature, oui, plus adulte. C'est un album bien moins amusant que Songs For The Deaf et d'ailleurs, il est peu pensable de vouloir comparer ces deux albums. Songs For The Deaf était un album ludique et sympathique (voir ma critique de Songs For The Deaf du 12 octobre 2013) tandis que ...Like Clockwork est plutôt angoissant et étouffant. La seule exception qui d'ailleurs confirme la règle sur cet album de Queens Of The Stone Age est la pièce Smooth Sailing, amusante et festive, apportant un peu de détente à cet album très dense et riche musicalement. Mais dans l'ensemble, voici des chansons aux mélodies bien peu souriantes, qui demandent du temps pour se faire apprécier. C'est le genre d'album qui exige qu'on l'écoute, le réécoute et le réécoute encore pour en saisir tous les détails et les subtilités. Mais si on persévère, on finit par connaître les chansons et on est finalement récompensé. Ce n'est pas un album facile mais qui a dit que l'art se devait d'être facile? Car ...Like Clockwork n'est pas un simple produit de consommation, c'est une oeuvre musicale qui peut apporter bien plus qu'un simple agrément éphémère. C'est un album fascinant auquel on revient comme à une étrange drogue... On dirait que Josh Homme, car c'est lui qui est le seul maître à bord depuis que Dave Grohl et Nick Oliveri ont quitté le navire, veuille exorciser ses démons sur cet album et la musique prend ainsi une teinte schizoïde et paranoïde. C'est à tout le moins ce qui se dégage de ...Like Clockwork selon moi, une atmsophère qui n'est pas s'en rappeler celle de l'album Turn On The Bright Lights de la formation Interpol (voir ma critique de Turn On The Bright Lights du 19 janvier 2013). Toutefois, les mélodies de ...Like Clockwork sont plus complexes et élaborées. Au milieu de la pièce My God Is The Sun, la musique arrête et reprend comme s'il manquait un morceau à la chanson, un procédé technique qui remonte à... Joseph Haydn (1732-1809)! ...Like Clockwork est néanmoins moins hermétique et alternatif que l'album d'Interpol. Évidemment, ...Like Clockwork n'est pas aussi génial que Turn On The Bright Lights mais la comparaison est tout de même flatteuse. L'atmosphère de cet excellent album de Queens Of The Stone Age est incroyable, comme c'est le cas avec la pièce-titre qui clôt l'album où la voix de Josh Homme est très remuée par l'émotion. Je ne suis même pas sûr que c'est lui qui chante tant sa voix est méconaissable. Il n'y a que dix chansons sur ...Like Clockwork mais elles sont assez longues alors c'est correct. On ne se fait pas berner si on achète l'album. Il faut toutefois savoir que l'album n'a pas de livret. En guise de pochette, on n'a qu'un carré de carton rouge avec les indications minimales inscrites dessus. Par contre, le boîtier vient dans un bel étui cartonné qui donne une jolie finition à l'objet. Il est dommage que la parution de cet album remarquable soit presque passée inaperçue en comparaison avec Songs For The Deaf car Josh Homme s'est donné à fond pour son chef-d'oeuvre. Je crois en définitive que ...Like Clockwork est aussi génial que Songs For The Deaf, peut-être même meilleur! L'album ...Like Clockwork de Queens Of The Stone Age compte certainement parmi mes albums préférés de 2013.

COTE D'APPRÉCIATION PERSONNELLE: 18/20